Short Description
`Abd Yalîl ibn `Amr ath-Thaqafî, le chef de la prestigieuse tribu de Thaqîf était l’une des plus importantes personnalités d’Arabie.
`Abd Yalîl ibn `Amr ath-Thaqafî, le chef de la prestigieuse tribu de Thaqîf était l’une des plus importantes personnalités d’Arabie.
Le passé de ses relations avec le Prophète (paix et salut à lui) était fort sombre…
L’histoire commença lorsque, La Mecque ayant été fermée à la prédication islamique après la mort de l’oncle du Prophète (paix et salut à lui) Abû Tâlib, le Prophète (paix et salut à lui) se rendit à at-Tâ’if afin d’appeler la tribu des Thaqîf à l’islam. Il espérait obtenir ainsi leur soutien. Il rencontra les trois chefs de Thaqîf, dont le principal était `Abd Yalîl ibn `Amr, et leur présenta son message. Or, ils réagirent avec un rejet et une agressivité envers le message divin qu’il n’attendait pas de leur part. Ils allèrent jusqu’à se moquer de lui et le ridiculiser, et leur chef `Abd Yalîl ibn `Amr lui dit : « Je déchirerais les draperies de la Ka`ba si Allah t’avait envoyé comme messager ! »[1]
Puis comme chacun sait, ce chef de tribu et ses compagnons incitèrent les serviteurs et les sots à chasser le Prophète (paix et salut à lui) et son Compagnon Zayd ibn Hâritha (qu'Allah l’agrée) à coups de pierres et d’injures, les poursuivant jusqu’à ce qu’ils quittent le territoire de la ville.
Cette réaction stupide était l’un des épisodes de sa prédication qui furent les plus douloureux pour le Prophète (paix et salut à lui), et l’hostilité des Thaqîf perdura de longues années.
Seuls un petit nombre de membres des Thaqîf devinrent musulmans : avant la prise de La Mecque, probablement même personne d’autre que l’éminent Compagnon al-Mughîra ibn Shu`ba[2] (qu'Allah l’agrée). Les Thaqîf s’allièrent aux Hawâzin pour mener une guerre de grande ampleur visant à éliminer les musulmans : ce fut la bataille de Hunayn en l’an huit de l’hégire.[3]
Vaincus, les Thaqîf se réfugièrent dans leurs fortifications à at-Tâ’if et le Prophète (paix et salut à lui) les assiégea pendant tout un mois.[4] Il ne parvint cependant pas à les faire sortir de leurs fortifications et quitta les lieux sans avoir pu prendre at-Tâ’if. Ce fut un choc pour les Compagnons (qu'Allah les agrée) mais le Prophète (paix et salut à lui) dédramatisa l’affaire et implora même Allah de guider les Thaqîf.
Le cas des Thaqîf s’aggrava encore lorsqu’ils tuèrent un de leurs chefs, `Urwa ibn Mas`ûd[5], quand il se convertit et les appela à devenir musulmans : cet événement fit beaucoup de peine au Prophète (paix et salut à lui).
Le temps passa, et au mois de Ramadan de l’an neuf de l’hégire, les Thaqîf se rendirent compte que les musulmans étaient devenus la première force d’Arabie, surtout après qu’ils avaient mis en déroute l’armée byzantine à Tabûk. Ils décidèrent alors de se rendre à Médine pour déclarer leur allégeance à l’islam !
Leurs propos et la manière dont ils s’y prirent montraient clairement qu’ils n’y allaient pas par amour de l’islam ni par conviction, mais bien parce qu’ils se rendaient compte qu’ils n’étaient pas assez puissants pour combattre les musulmans. Ils formèrent une délégation qui avait pour mission de discuter et de négocier avec le Prophète (paix et salut à lui) afin de parvenir au meilleur compromis possible. Ils nommèrent à la tête de cette délégation `Abd Yâlîl ibn `Amr, le chef historique qui un jour s’était tant moqué du Prophète (paix et salut à lui). La situation s’était maintenant retournée et le chef des Thaqîf venait soumis rencontrer le puissant Prophète (paix et salut à lui) qui, désormais victorieux, se trouvait à son tour en position de force.
Le Prophète (paix et salut à lui) réserva le meilleur accueil à la délégation des Thaqîf menée par `Abd Yâlîl. Jamais il ne fit référence au passé, jamais il n’évoqua leurs moqueries lorsqu’il était allé demander leur soutien. Il ne dit pas qu’il tenait sa revanche pour l’affront qu’ils lui avaient fait subir… Au contraire il les accueillit chaleureusement, avec le sourire. Il leur réserva une généreuse hospitalité et leur offrit des cadeaux. Il s’assit patiemment avec eux pour écouter leurs requêtes et leurs propositions : malgré la stupidité de ce qu’ils demandaient, il ne perdit pas patience, ne se fâcha pas, mais se contenta de discuter avec eux calmement et sagement.
Les Thaqîf posaient des conditions à leur conversion à l’islam : on devait leur autoriser l’usure, la fornication et le vin, les dispenser de la prière et leur laisser leur idole al-Lât[6] sans la détruire ![7]
Ces demandes étaient absurdes et montraient qu’ils n’avaient pas compris le sens de l’islam. Malgré l’absurdité de leurs requêtes, cependant, le Prophète (paix et salut à lui) ne s’impatienta pas et ne les laissa pas là : il se mit à leur expliquer les choses, refusant leurs demandes avec la plus grande politesse, en des termes bienveillants. Il discutait avec eux tous les soirs après la prière de `ishâ’ : il leur parlait longuement, et il était allé jusqu’à leur faire planter une tente dans l’enceinte de sa mosquée[8] par respect pour leur statut.
Et pourtant, ils n’étaient pas encore devenus musulmans…
En fin de compte, la délégation des Thaqîf accepta l’islam dans son intégralité sans demander de concession : à la suite de cela la tribu de Thaqîf devint donc musulmane, et elle fut parmi les tribus les plus attachées à l’islam même à l’époque où certaines apostasièrent.
Il ne fait aucun doute que si le Prophète (paix et salut à lui) avait adopté une attitude brutale envers eux, ou s’il avait manifesté un quelconque esprit de revanche, ils auraient réagi différemment et seraient devenus un obstacle à la sécurité de l’Arabie. Le Prophète (paix et salut à lui) nous enseigne ici ce qu’il a maintes fois répété : « Allah est doux et Il aime la douceur, et il accorde par la douceur ce qu’il n’accorde pas par la violence ou par autre chose. »[9]
Nous avons vu quel bien immense s’est répandu dans toute l’Arabie, puis dans le monde entier grâce à l’approche bienveillante du Prophète (paix et salut à lui) dans les relations avec les gens, avec ses opposants et ses adversaires, avec ceux qui lui faisaient du mal et se moquaient de lui. Le Prophète (paix et salut à lui) résume parfaitement l’importance de la douceur dans cette parole pleine de sagesse : « Celui qui est privé de douceur est privé du bien. »[10]
Allah salue et bénisse celui qui a enseigné le bien aux gens et qui les a guidés vers la droiture, le Prophète (paix et salut à lui), ainsi que sa famille et ses Compagnons.
[1] At-Tabarî, Târîkh al-umam wal-mulûk 1/554.
[2] Al-Mughîra ibn Shu`ba ibn Abî `Amr ibn Mas`ûd ath-Thaqafî devint musulman l’année de la bataille du Fossé et arriva en émigré à Médine. On relate que le premier événement auquel il participa fut celui d’al-Hudaybiyya. Ash-Sha`bî a dit de lui : « Les plus ingénieux des Arabes sont au nombre de quatre : Mu`âwiya ibn Abî Sufyân, `Amr ibn al-`Âs, al-Mughîra ibn Shu`ba et Ziyâd. » Il mourut à Kûfa en l’an 50 de l’hégire. Voir Ibn `Abd al-Barr, al-Istî`âb 4/7, Ibn al-Athîr, Asad al-ghâba 4/454, et Ibn Hajr, al-Isâba, titre n°8179.
[3] Cette bataille eut lieu peu après la prise de La Mecque.
[4] At-Tabarî, Târîkh al-umam wal-mulûk 2/171.
[5] `Urwa ibn Mas`ûd ibn Thaqîf faisait partie des hommes que les Quraysh avaient envoyés au Prophète (paix et salut à lui) lors de la négociation du traité d’al-Hudaybiyya. Il annonça sa conversion à l’islam devant ses contribules et les appela à l’islam : ils lui lancèrent des flèches de toutes parts, et une flèche l’atteignit fatalement. On lui demanda : « Comment considères-tu le sacrifice de ta vie ? » Il répondit : « Comme un honneur qu’Allah me fait et comme le martyre qu’Il m’accorde. Ma situation est la même que celle des martyrs qui sont tombés dans la voie d’Allah avec le Prophète (paix et salut à lui) avant qu’il ne lève le siège de votre ville : enterrez-moi avec eux. » Et on l’enterra avec eux. Voir : Ibn `Abd al-Barr, al-Istî`âb 3/176, et Ibn Hajr, al-Isâba, titre n°5527.
[6] Al-Lât était le nom de l’idole des Thaqîf à at-Tâ’if : Ibn al-Athîr, an-Nihâya fî gharîb al-athar 4/413.
[7] Voir Ibn Kathîr, al-Bidâya wan-nihâya 5/33, et Ibn Sayyid an-Nâs, `Uyûn al-athar 2/306.
[8] Ibn Sa`d, at-Tabaqât al-kubrâ 1/313.
[9] Rapporté par Muslim d’après `Aïsha (que Dieu l’agrée), Livre de la bonté, de la piété filiale et de l’éducation, chapitre : « Le mérite de la douceur » (2593), ainsi que par Ibn Hibbân (552) et par al-Bayhaqî dans ses Sunan al-kubrâ (20586).
[10] Muslim, Livre de la bonté, de la piété filiale et de l’éducation, chapitre : « Le mérite de la douceur » (2592) ; Abû Dâwud (4809, Ibn Mâjah (3687), Ahmad (19229), et Ibn Hibbân (548) d’après Jarîr ibn `Abdallâh al-Bajlî.
Commentaires
Envoyez votre commentaire